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Il nait un couteau au cœur. Gaspar Noé : cinéaste d’un social contemporain ? La tragédie d’un homme (seul) dans la tragédie du siècle.
Seul contre tous | Gaspar Noé | 1998

« La peur au fond des yeux et le couteau dans la poitrine » Schizophrenia, Gerald Kargl, 1983

Ce texte est dédié à Philippe Nahon

Avant de rentrer dans le vif du sujet, il semble important de faire un point biographique sur Gaspar Noé. En effet, sa vie privée n’est pas complètement sans rapport avec le protagoniste de Seul Contre Tous, son premier long-métrage, réalisé en 1998. Noé nait en 1963 à Buenos Aires, en Argentine, dans une famille engagée politiquement, et est issu d’un milieu intellectuel et artistique. Il s’installe en France avec ses parents, exilés politiques, en 1976 à la suite du coup d’état du « processus de réorganisation nationale ».

Le sujet de cette recherche porte sur l’analyse de Seul Contre Tous, film de Gaspar Noé de 1998. Une tragédie individuelle croise une tragédie sociale à travers « le drame d’un ex- boucher se débattant seul dans les entrailles de son pays ». Son pays, c’est la France des années 80, terne, raciste et délabrée.

Donald Reagan aux Etats-Unis, Margaret Thatcher en Grande-Bretagne, François Mitterrand en France (hésitant tout son mandat entre relance et récession), donnent le style des années. On assiste à une offensive libérale, elle fait rupture avec les années soixante-soixante-dix. On constate la montée du chômage, le désengagement de l’Etat, la remise en cause des services publics et des politiques sociales ; s’annoncent les années « quatre-vingt/deux mille » : la mondialisation et la financiarisation de l’économie.

La France perd 670.000 emplois industriels entre 1982 et 1990. La désindustrialisation a des conséquences pathétiques pour le monde ouvrier, notamment le chômage et la désafilliation. S’ajoute à cela une « crise du syndicalisme ». Au niveau politique c’est l’émergence du Front National. Après 1983 et l’amorce de la rigueur, la gauche se divise à nouveau, c’est un échec cuisant. Le Parti Communiste perd en influence. Toutefois, il y a des luttes emblématiques comme celle des années 1986-1987 : un mois de grève à la S.N.C.F. Dans la même période les étudiants réussissent à faire retirer la loi Devaquet.

« Ça commence en France, en plein cœur du merdier, au pays du fromage et des collabos », telles sont les premières paroles du Boucher, accompagnées d’une photographie d’Adolf Hitler et du Maréchal Philippe Pétain se serrant la main.

L’une des nombreuses diapositives de la première séquence de Seul Contre Tous, montrant une photographie de Hitler et Pétain, Noé

Durant les années 80, le négationnisme fait sa « grande » entrée. Robert Faurisson commence à être connu du grand public avec ses thèses négationnistes, et Jean-Marie Le Pen déclare, en 1987, sur une grande radio publique, qu’il « n’a pas étudié spécialement la question, mais [il] crois que c’est un point de détail de l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale » en parlant des chambres à gaz. Le négationnisme provocateur et grandissant de cette époque apparaît en corrélation avec la traque des anciens nazis haut-placés (par exemple, Klaus Barbie), certains n’ayant même pas pris la peine de se cacher et ayant toujours des responsabilités importantes (comme l’ancien collaborateur devenu ministre, Maurice Papon, ou bien Kurt Waldheim, ancien secrétaire général des Nations-Unies de 1972 à 1981 et ancien Président fédéral de la République d’Autriche de 1986 à 1992)

Dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986, rue Monsieur-le-Prince, un jeune étudiant de 22 ans : Malek Oussekine est victime d’un tabassage de la police française de Charles Pasqua. Il décèdera.

Après cette brève introduction historique, il nous faut situer Seul Contre Tous dans l’œuvre de Gaspar Noé. Chef d’œuvre subversif pour certains, abomination perverse et sadique pour d’autre, Seul Contre Tous (et les films de Noé en général) ne nous laisse pas sur notre faim. Prolongement du moyen-métrage réalisé huit années plus tôt, Carne, Seul Contre Tous se situe au tout début du corpus de Noé et est foncièrement différent de ses travaux futurs, malgré sa volonté persistante de représenter le Réel (cependant, surement sous-jacente et inconsciente).

Cependant, Seul Contre Tous n’est pas le film qui a « révélé » Noé à ses « détracteurs ». Irréversible, sorti en 2002, a retenti comme une bombe dans le cinéma français, permettant à Noé d’acquérir le rôle du pape du « voyez ce que vous ne voulez pas voir ». En effet, c’est à partir de la sortie de ce film, que Noé se voit considérer comme « à part » dans le cinéma français. S’ensuit la réalisation d’Enter The Void (2010), prouesse technique, esthétique singulière (bien aidé par Benoit Debie, son chef opérateur « attitré »), Noé nous entraîne dans le voyage complètement psychédélique de l’esprit après la mort ; puis vient Love (2015), film se caractérisant notamment par des scènes de sexe non-simulées, sans que le film ne soit pornographique (ce qui évidemment, entraîna des polémiques au sujet de sa classification). Trois ans plus tard, Noé sort Climax (2018), en filmant une soirée de fin de répétition d’une troupe de danseurs, et leur descente aux enfers suite à l’absorption involontaire d’une drogue (LSD).

Carne, son moyen métrage datant de 1991, peut être considéré comme le prologue de Seul Contre Tous. Le film aurait dû s’appeler Rance. Bien sûr, c’est une anagramme de Carne, mais c’est aussi et surtout une partie du mot France que Le Boucher définit comme « un gros camembert qui pue, avec plein d’asticots qui grouillent à l’intérieur ». Ce film introduit le diptyque Carne/Seul Contre Tous, non prévu à l’origine. Carne raconte l’histoire d’un boucher chevalin, seul avec sa fille Cynthia suite à l’évaporation dans la nature de la mère (on apprendra par la suite qu’elle s’est « jetée sous un métro »). Suite à l’apparition des premières menstruations de Cynthia, qui, affolée, va voir son père pour comprendre ces changements, ce dernier s’imagine le pire ; le viol de sa « petite fille » par un ouvrier « arabe », qu’il s’empresse d’aller traquer pour le poignarder dans la bouche. Il se trompera d’ouvrier, la victime survivra, Cynthia ira en foyer et Le Boucher ira en prison.

S’ensuit Seul Contre Tous, film sur lequel notre analyse est fortement liée et appuyée. Grandement inspiré par Angst (Schizophrenia) de Gerald Kargl (1983), Noé reprend le même dispositif utilisé par Kargl : une voix-off permanente, révélant les pensées du protagoniste principal, dans un flot de parole rarement interrompu, même lorsque le personnage de Seul Contre Tous (ou le tueur de Schizophrenia) n’est pas à l’écran. Ce film traite de l’histoire d’un homme, d’un boucher, Le Boucher (son nom n’est jamais dit dans le film, bien que dans les première minutes du film, sa carte d’identité apparaît à l’écran et nous apprend qu’il s’appelle Philippe Chevalin), son « histoire est très simple, c’est celle d’un pauvre type » selon ses propres dires. Dorénavant, nous mettrons donc une majuscule lorsque nous parlerons du Boucher pour lui donner un nom, et tout ce qui va avec.

L’une des particularités de ce film est le système de « ponctuation », présent dans Carne également, mais systématique dans Seul Contre Tous. Il est cependant compliqué de les développer et nous préférons donc citer Noé en guise d’explications :

« Il y a deux types d’effets sonores

  • les « BOOM ! » qui marquent des ellipses, souvent accompagnés d’un bref carton noir.
  • et les « BANG ! » (ou « BLANG ! ») qui accompagnent les effets de travelling en pixillation rapide faits en quatre ou sept images. [1] »

Scène de rasage, Angst (Schizophrenia), Kargl

Scène de rasage, Carne, Noé

L’enjeu de cette recherche est, d’un certain côté, de crédibiliser Noé, le dé-diaboliser, faire reconnaître son talent – à la fois technique et esthétique – pour réaliser des films sur des questions a priori irreprésentables. Il s’agit également de faire émerger la dimension paradoxalement éthique de son parti pris qui est justement celui de montrer l’immontrable. N’est-ce pas là, en effet, ce que permet l’image au cinéma : une certaine résolution de ce paradoxe qui consiste, lorsque le réalisateur associe talent et éthique, à représenter l’irreprésentable d’un point de vue qui consiste à faire émerger chez le spectateur une question et non pas d’un point de vue exhibitionniste – ce qui n’aurait alors comme effet que celui de positionner le spectateur comme un voyeur. Mais les enjeux de ce sujet relèvent notamment du traitement cinématographique qui peut être fait de « la morale » et de « la justice » à l’épreuve des transgressions psychiques singulières, telles que l’abandon maternel et l’inceste, ainsi que des souffrances sociales dans lesquelles elles s’inscrivent notamment la guerre, la misère et la solitude.

Agamben définit « l’homme contemporain » comme un homme « plus apte que les autres à percevoir et à saisir son temps... le contemporain est celui qui fixe le regard sur son temps pour en percevoir non les lumières mais l’obscurité... le contemporain est donc celui qui sait voir cette obscurité [2] » . Cette définition, rappelle inévitablement le travail de Gaspar Noé. En effet, pour Agamben, il est possible d’appartenir à son époque tout en la haïssant irrévocablement (c’est, dans Seul Contre Tous, le cas du Boucher). Il est, pour Agamben, impossible d’échapper à son époque. Noé est-il donc dépassé par son œuvre ? Ce qu’il fait voir donne plus à penser que ce qu’il dit.

Nous tenterons donc de montrer à travers Seul Contre Tous de Gaspar Noé et à travers les définitions qu’il propose de la morale et de la justice tout au long de ce film que, au cœur d’une tragédie historico-sociale, la loi symbolique ne fait plus Loi. Le film de Noé tente, dans un geste désespéré, non pas de réconcilier l’amour et la loi (condition pour occuper une position tenable dans le monde), mais de recomposer une identité blessée au travers de l’Histoire (le père du héros est un résistant communiste mort en déportation). La violence des traumas originels (mort du père et abandon de la mère) est-elle réparable ou vouée à se répéter de génération en génération ? Le sujet n’est-il pas condamné à transgresser, y compris par un sauvetage « amoureux », la loi symbolique de l’interdit de l’inceste ? Quand rien ne fait corps dans le social, seul l’amour « contre tous » est-il pensable, est-il possible ?

1. Seul – L’homme réduit à un objet-déchet

« Le sentiment de notre existence dépend pour une bonne part du regard que les autres portent sur nous : aussi peut-on qualifier de non humaine l’expérience de qui a vécu des jours où l’homme a été un objet aux yeux de l’homme »
Primo Levi [3]

a. Solitude, errance et abandon : source d’un effondrement symbolique

La solitude chez Freud est interprétée comme un état : un état de solitude-détresse, autrement dit l’objet même de l’angoisse humaine ; tandis que chez Mélanie Klein, la solitude est liée aux angoisses paranoïdes. Le sujet se sent persécuté par des mauvais objets, il se sent seul en l’absence d’un bon objet contenant, dont nous pouvons penser qu’il trouve ici un substitut dans l’arme que détient le boucher, ainsi que d’un Autre secourable, ce que Freud appelle le Nebenmensch, l’être à côté

La capacité d’un être humain à supporter la solitude dépend de la possibilité qu’il a eu d’intérioriser un bon objet, le plus fréquemment sa mère. Le Boucher fut abandonné par la sienne, en adjonction d’un père décédé en déportation lorsqu’il était très jeune. Or, la première rencontre anticipe et détermine celles qui suivent. Le Boucher n’a donc aucun sentiment de sécurité interne, c’est-à-dire celui qui permet de lier pulsion de vie et pulsion de mort (bien que l’arme qu’il transporte en permanence peut être substitué en tant qu’objet externe de sécurité) ; chez Le Boucher, ces pulsions sont déliées et la pulsion de mort l’emporte dans sa dimension de pulsion de destruction.

Comment fait-on pour vivre quand seul du négatif nous signifie aux yeux du monde ? Le Boucher est un « sans », sans emploi, sans domicile fixe, sans famille. Il traîne son existence comme un boulet impossible, avec un visage impassible et maussade, un regard fixe et hostile et une parole quasi-inexistante, sauf peut-être pour engendrer de la haine.

Philosophiquement parlant, la solitude du Boucher est relative à son expérience de la clandestinité. En effet, en sortant de prison, Le Boucher se rend dans le bistrot de son ancienne vie où la patronne lui offre un travail, ainsi qu’une tentative de lien, qui bien évidemment échouera lamentablement. À la suite de cette « union », ils décident de vendre le bistrot et de partir dans une banlieue de Lille pour racheter une boucherie afin que la patronne puisse se reposer, étant enceinte. Autrement dit, il abandonne une deuxième fois son adolescente de fille envers laquelle il était jadis pris de pulsions incestueuses, pour aller s’installer en banlieue lilloise avec une femme enceinte qu’il déteste et la mère de celle-ci qu’il hait encore plus (« un saucisson de merde, Un pinard de merde. Et une famille de merde dans un bled de merde »).

Finalement, le projet de la nouvelle boucherie n’aboutira pas car, selon la patronne, « c’était une mauvaise affaire. Et [elle] préfère garder [son] argent jusqu’à après l’accouchement ». Tant bien que mal, il trouve un emploi en tant que gardien de nuit dans un hospice. Malgré cette tentative de rester lié au social, vu comme un effort qui semble surhumain pour lui, Le Boucher ne peut que s’auto-exclure, tout joue contre lui. Lorsque l’une des patientes de l’hospice décède sous ses yeux, il ne réagit pas, il reste fixe, sans compassion, sans sentiments face à l’infirmière et notamment face à la mort car « finalement, c’est pas grand-chose, la mort. On en fait tout un plat, mais quand tu vois ça de près ça ressemble à rien. C’est qu’un corps sans vie, rien de plus ».

Son incommunicabilité renforce sa solitude, mais « la solitude, ca veut rien dire. T’as beau vivre avec un type ou une gonzesse ou même avec des gosses, t’es tout seul, oui. Moi je suis tout seul. ».

La solitude est ici accentuée grâce à des procédés techniques ingénieux : le film est tourné en 16 millimètres scope mais l’image est gonflée en 35 millimètres. Cela la déforme et donne un format très particulier : étroit en hauteur et très allongé. De ce fait, les perspectives et les lignes de fuites sont parfois très accentuées, et les gros plans sont extrêmement resserrés.

L’errance permanente et les grands espaces, Seul Contre Tous, Noé

L’errance permanente et les grands espaces, Seul Contre Tous, Noé

Le Boucher n’accorde aucune attention à ce qu’il l’entoure, autrement dit le social, Seul

L’errance permanente du tueur, avec la révélation de ses pensées, Angst, Kargl

Le Boucher s’auto-exclut, et développe le « syndrome du survivant » [4], c’est-à-dire qu’il ne perd rien dans la réalité (il a, pour l’instant, un travail, un semblant de famille ainsi qu’une « morale »), mais qu’il perd dans sa tête alors que les faits n’ont pas changé.

Cette solitude, cette errance permanente se rajoute à un bon nombre de traumas de l’enfance. L’effondrement symbolique subjectif s’origine dans au moins trois éléments de la vie du Boucher : l’abandon maternel, la non-élaboration de la déportation du père, et le traumatisme infantile consécutif au viol subi à l’âge de six ans, le « vol de l’innocence au nom de Jésus ». L’effondrement symbolique le confronte alors à une angoisse pure du réel.

Cet effondrement symbolique entraîne la « congélation du moi » [5], autrement dit, le sujet est toujours vivant, mais anesthésié. Ici, Le Boucher rompt avec la réalité, en errant, en insultant, en frappant ; l’errance « devient une manière d’aimer à distance » [6] selon Furtos. Ici, l’errance devient une manière de haïr « en voix-off ».

Cependant, Le Boucher ne reste pas dans cette errance en « off ». L’effondrement symbolique dont il est sujet est d’une gravité extrême et le conduit au(x) passage(s) à l’acte.

b. De l’effondrement aux passages à l’acte

Le phénomène que Furtos nomme la « congélation du moi » peut être suivi d’un autre phénomène gravissime : la « décongélation brutale du moi » [7]. En effet, pour Furtos, la décongélation du moi s’opère lorsque le « sang psychique » [8] circule trop vite, c’est douloureux, à la manière d’un garrot. Cela a deux effets possibles : soit le sujet est re- anesthésié, soit le passage à l’acte s’opère. Le passage à l’acte peut être défini comme la sortie du langage : les mots ne suffisent plus pour énoncer ce que l’on a à dire et ils « sortent » sous la forme pulsionnelle de l’agir. Autrement dit, il s’opère une rupture de la relation à l’Autre et de la relation au monde qui l’entoure. Le sujet sort de la subjectivité. Le passage à l’acte est donc une rupture de la chaîne qui lie le langage à l’action. Dans le passage à l’acte, l’acte court-circuite la parole, au profit de la pulsion.

Le bénéfice de ce processus (du passage à l’acte) est que le sujet se sent alors tout puissant. Le passage à l’acte est toujours lié à l’angoisse. Dans le cas du Boucher, il s’articule à son errance qui l’empêche de s’inscrire dans une histoire et dans une continuité d’existence. Chez Le Boucher, les passages à l’acte sont des transgressions de la loi : ils font écho à ce que nous avons nommé l’effondrement symbolique, c’est-à-dire l’impossibilité du sujet à se référer encore à la Loi symbolique (l’inceste et le meurtre qui caractérisent les passages à l’acte du Boucher en témoignent).

En psychopathologie, ce processus caractérise ce qu’on appelle les « états-limites », c’est-à- dire une personne dont le rapport à la Loi est perverti.

Le Boucher passera à l’acte toutes les fois ou l’angoisse de la solitude le déborderont et ces passages à l’acte traduiront sa défaillance symbolique, c’est-à-dire son incapacité à élaborer ses manques et ses privations.

Au fond, Le Boucher se débat avec la dépression, voire la mélancolie. La solution du passage à l’acte en toute circonstance, révèle le manque de sécurité interne du Boucher, autrement dit, son extrême fragilité narcissique.

Ces passages spontanés, inattendus, opérants dans les actes représentent un moment de rupture où le Symbolique fait défaut et le Réel l’emporte

Cependant, certaines séquences montrent que, chez Le Boucher, le passage à l’acte se situe à l’interface du fantasme et de la réalité ; par exemple, lorsqu’il s’imagine tuer sa fille, c’est un passage à l’acte dans son fantasme. Noé confronte le spectateur à ce fantasme en le faisant passer pour réel, nous avons donc l’impression d’être dans la réalité, alors que nous sommes, tant bien que mal dans l’Imaginaire.

Par ailleurs, la pulsion et l’impulsivité associée au passage à l’acte sont toujours du registre de la violence.

Ces propos font étonnement écho à l’ouvrage La Parole ou la Mort de Moustapha Safouan, qui est un « essai sur la division du sujet » mais également à une citation de Jacques Lacan :

« Aux confins où la parole se démet, commence le domaine de la violence » [9].

En effet, nous pouvons remarquer que tout au long du film, la violence (physique ou verbale) prend le dessus lorsque Le Boucher n’a plus rien à dire, lorsque sa parole s’absente, d’autant que ses pensées en voix-off ne s’adressant à personne, n’ont donc pas valeur de parole.

De plus, la définition de Amal Hachet est utile pour enrichir notre questionnement : « L’acte est un lieu de dire en même temps qu’un lieu de transgression d’une loi Symbolique » [10], bien que chez Le Boucher, le passage à l’acte témoigne surtout de son impossibilité à élaborer.

Nous pouvons prendre comme exemple la séquence de la « séparation » entre Le Boucher et la Patronne. En effet, cette séquence se déroule après la projection d’un film pornographique auquel Le Boucher assiste et où il affirme, dans ses pensées, une fois de plus, son extrême masculinité hétérosexuée, ce qu’il pense être la virilité, ainsi que ce qu’il pense le définir : « Tiens, si je pouvais recommencer une existence, je devrais faire des films pornos. Là au moins, c’est clair. Les gens qui font ça, ils ont tout compris au sens de notre espèce. Soit t’es né avec une bite, et tu n’es utile que si tu te comportes comme une bonne bite bien dure qui bourre des trous. Soit t’es né avec un trou, et tu ne seras utile que si tu te fais bien bourrer. Mais dans les deux cas t’es tout seul. Oui moi je suis une bite. C’est ça. Je suis une misérable bite. Et pour me faire respecter, il faudra que je reste toujours bien dur. ».

Vient alors la confrontation avec La Patronne ; elle l’accuse de tromperie suite à une mauvaise interprétation de leur voisine Fabienne, lui ayant dit qu’il « était avec une pétasse ce matin » alors qu’il ramenait juste l’infirmière devant chez elle. C’est alors que le passage à l’acte, le tabassage de sa femme, au niveau de son ventre, alors qu’elle est enceinte de son propre enfant intervient à la suite de l’insulte « pédé » qui vient faire irruption dans l’esprit du Boucher. Le signifiant « pédé » vient ainsi faire exploser le signifiant auquel Le Boucher s’accrochait (« une bonne bite bien dure qui bourre des trous ») et par lequel il pensait être définit. La rencontre de ces deux signifiants est insupportable au sens propre. Étant concerné ou pas, il ne peut supporter aucune dimension. Ce signifiant « pédé » vient ainsi faire effraction en plein dans son esprit, dans son identité masculine, qu’il tente de construire (du moins, qu’il tente de se forcer à penser) tout au long du film, notamment en insultant tout le monde de « pédé » ou encore d’ « enculé de sa race ». Noé appuie également de plus belle sur ce mot en le faisant apparaître sur un carton en blanc sur fond noir, possiblement pour souligner l’importance, et le retentissement de ce signifiant.

Le passage à l’acte opère après ce florilège d’insultes. Le Boucher décoche un violent coup de genou dans le ventre de la Patronne, la faisant hurler. Puis, il se met à assener d’énormes coups de poings, toujours dans le ventre de la Patronne, comme s’il voulait, en plus de blesser sa compagne, blesser voire tuer son enfant à naître, bien qu’il ne le considère pas comme « son » bébé (en réponse aux gémissements de La Patronne, il répondra, virulent : « Ton bébé, quoi ? Tu vois pas que maintenant ton bébé n’est plus qu’un steak, un bout de viande éclatée ? Au moins, lui, il aura eu la chance de ne jamais voir ta sale gueule ! »)

Ainsi, Le Boucher se remet sur la voie de la précarité, car « avec 300 balles en poche, [il] ne sais pas comment [il va] s’en sortir. » bien qu’il espère obtenir une certaine solidarité de la part de ses amis « enfin, c’est ce qu’on va voir ».

Le passage à l’acte, Seul Contre Tous, Noé

Le passage à l’acte, Carne, Noé

c. Fragilité psychique, précarité sociale

Dans son ouvrage, Furtos énonce que « la bonne précarité, c’est celle de celui qui crie pour avoir et auquel on donne » [11] et définit trois niveaux de précarité. Le premier niveau, qu’il nomme la « précarité ordinaire » [12], est le fait d’être seul donc de ne pouvoir vivre. Il faut une présence d’altérité pour vivre mais cette altérité est justement présente. Le Boucher passe de la pauvreté (le fait d’avoir peu, de ne pas être miséreux, ce qui par définition n’empêche ni la culture, ni le développement) à la précarité malgré lui. Avec ce changement de « statut social » débute un changement d’état psychique qui entraîne plusieurs changements dans le rapport au monde qu’à Le Boucher. En effet, Le Boucher, suite à son départ de la banlieue lilloise se retrouve à Aubervilliers, une banlieue parisienne, sa ville d’origine et décide d’aller emprunter de l’argent à ses anciens « amis ».

Nous voyons donc Le Boucher déambuler d’anciennes connaissances à d’anciennes connaissances, demandant un peu d’aide, n’essuyant que des refus, bien que certains de ces refus ne soit dû uniquement à la pauvreté financière ; en effet, certains ne peuvent donner d’argent mais proposent de l’accueillir quelques nuits ou bien de lui donner un « bout de pain ». C’est également ce qu’il se passe lorsqu’il se rend à l’agence d’intérim ou encore chez des anciennes connaissances professionnelles, aucun poste n’est disponible. Demander de l’aide, savoir comment demander de l’aide, avoir de l’espoir et savoir rebondir sur les échecs et les désillusions est d’une importance capitale, bien que Le Boucher n’arrive pas à faire face à ces refus et ces rabaissements. S’ensuit encore une fois un discours homophobe et déviant sur la tragédie dont la France est victime (ou coupable ?), ce qui entraîne un discours réactionnaire, et rend presque ironiques les inscriptions sur les murs devant lequel Le Boucher défile en permanence : « 9. DEC. VOTEZ CGT ». Cela démontre d’autant plus la fragilité psychique dont Le Boucher est victime ; la scène précédant ses demandes d’emploi et d’argent se déroule dans un café quelconque, où Le Boucher est confronté à une scène de racisme virulente : un client « arabe » demande un café, le serveur lui répond que « le thé à la menthe, tu traverses la rue, c’est de l’autre côté », le ton monte et le discours nationaliste de « on est chez nous » surplombe la discussion qui se soldera par un « tu vas prendre tes babouches, tu vas faire demi-tour et tu vas sortir » d’une grande violence. Cette scène à laquelle assiste Le Boucher l’affecte, au fond de lui il semble ne pas penser de la manière aussi radicale que ses pensées nous laisse croire, bien qu’il ne fasse rien pour défendre le client discriminé.

Le Boucher est un personnage totalement ambiguë, car narcissiquement instable. Cette scène de racisme le dégoute, mais son discours homophobe et raciste ne s’apaise pas. Lors du refus de sa demande par son ancien fournisseur, du à son casier judiciaire chargé (qu’il justifie en disant qu’il a fait « quelques jours » car « c’est une erreur judiciaire. [Il] croyait qu’on avait touché à [sa] fille », il s’indigne, après être sorti de l’entretien (Le Boucher ne cesse de s’indigner lorsque personne n’est présent pour le voir ou l’entendre). Ses pensées qui nous sont révélées démontrent une frustration prépondérante : « Me faire traiter comme ça par une tarlouze ? Mais dites-moi que je rêve ! […] Ah, belle France que leur « France Chevaline » ! Quel faux-cul. J’ai honte que ce type soit français. Si la France est dirigée par des types comme lui, on est vraiment au royaume des faux culs. […] J’aurai du l’éclaté sur place, ce minable. Un coup de tatane sur la gueule pour bien lui faire sentir mon casier. » Son discours ne cesse de monter en violence et se conclu par une morale que nous pouvons simplifier de « tous pourri, sauf moi » : « Mais aujourd’hui, les gens sont trop pédés pour faire la révolution. Tout ce qu’il peut y avoir, c’est des vengeances à titre personnel. Ça oui, comme la mienne ! Mais ce sera utile pour l’ensemble. Si Robespierre c’est un grand héros national, moi aussi je le serai, mais à une toute petite échelle. En tuant ce gros porc de bourgeois homosexuel qui me refuse du travail parce que j’ai été en prison. Mais quoi ? Il veut que je devienne un clochard qui lui taillerait des pipes pour vingt centimes ? Hein ? C’est ça son plan ? Eh ben la violence, la vraie violence, il va apprendre ce que c’est. Les cinquante ans d’humiliation que je me suis pris dans la gueule, lui, le pédé, il va les vivre en six minutes. Six minutes de violence physique totale. ». Toutes ses relations à l’autre sont donc incertaines et problématiques, ce qui contribue à l’enfermer davantage dans la solitude de son intériorité. Cette réflexion nous emmène vers une autre question : vivre est-il plus difficile que survivre ? [13]

Lorsque Le Boucher est face à tous ces refus, le basculement du fantasme au Réel se fait violemment. Le Boucher, pour qui il était possible d’avoir de l’empathie en tant que spectateur devient une personne remplie exclusivement de désespoir (il n’a plus rien et personne ne répond à ses appels de détresse), se transformant très vite en haine profonde des autres et de lui même. Benhaïm énonce que « c’est ici dans le réel et non plus dans le fantasme que le sujet est un déchet, ou plus exactement, s’identifie, dans le réel, au déchet de l’Autre » [14] à propos des SDF en grande précarité ; si nous appliquons ces écrits au cas du Boucher, nous pouvons constater que Le Boucher, s’imaginant déchet dans son Imaginaire, l’est également dans le regard que l(es) autre(s) pose(nt) sur lui. Cela le raccorde au réel. Cette image qu’ont les autres de lui comme étant en situation de grande précarité lui font prendre conscience de cette précarité dans le réel, étant vraiment exclu de la société, vraiment SDF, vraiment sans emploi, vraiment seul.

Un des « amis » du Boucher, précaire lui aussi, Seul Contre Tous, Noé

L’un des amis du Boucher, sourire aux lèvres malgré sa situation précaire, Seul Contre Tous, Noé

Le Boucher dans la demande, mais ne regarde jamais dans les yeux, Seul Contre Tous, Noé

2. « Contre » - Le Boucher comme figure de « criminel-victime »

« Il a déclaré que je n’avais rien à faire avec une société dont je méconnaissais les règles les plus essentielles et que je ne pouvais pas en appeler à ce cœur humain dont j’ignorais les réactions élémentaires. » [15]
Albert Camus

a. Du traumatisme initial à la logique : c’est l’autre ou moi

Mettant tout sur le compte des épreuves traumatiques du passé : perte de sa femme, viol, perte d’emploi, crime (tentative d’homicide), Le Boucher justifie tout refus de puiser dans ses réserves, épuisées. Porteur d’un discours sur cette société, il s’engage dans l’entreprise d’une lutte personnelle afin de conserver ce qu’il considère comme étant se faire justice.

Avec toujours le même ton violent, la voix-off commence à perdre tout son sens et sa logique, reflétant le désespoir du sujet. Le spectateur se trouve en quelque sorte traumatisé en même temps que Le Boucher, en état d’insécurité.

La construction de l’altérité chez le sujet humain en passe par l’autre : comme nous l’avons souligné précédemment, Le Boucher substitue à son Autre secourable, le Nebenmensch, son pistolet. La faille date du début de la vie du Boucher. Son traumatisme initial, c’est-à-dire l’abandon maternel, conduit Le Boucher à se construire uniquement avec des parties chaotiques du monde. Son altérité, autrement dit son rapport à l’Autre est défaillant dès le début de son existence. Cela entraîne donc une forme de menace permanente de tout ce qui l’entoure. Il n’est pas dans une logique du vivre ensemble, autrement dit « moi et l’autre », mais dans une logique d’exclusion, « l’autre ou moi ».

Personne ne trouve grâce aux yeux du Boucher, à l’exception de sa fille, Cynthia. Cependant, cet autre ne parle pas, elle est mutique et leur relation est illégitime voire incestueuse.

Ainsi, tout au long de son « épopée », de sa déambulation, de son errance, il croise des « autres », qui, selon Le Boucher, contiennent tous une dimension persécutrice, à l’exception de ses anciens « amis », étant pris eux-mêmes dans ces mêmes processus précaires d’exclusion psychiques et sociaux. Ce sont les seules personnes envers lesquelles il n’est pas violent, malgré les refus qu’il reçoit en permanence, cependant, il ne les reverra pas, c’est-à- dire qu’il ne les considère pas comme des autres possibles.

Aucun des autres qu’il croise n’est et ne sera secourable, ils sont tous voués à l’exclusion car, tant chez eux que chez le Boucher, il n’y a pas, apparemment, de trace d’une conscience de classe. L’échec de la « gauche » –rappelons le dans les années 80– n’offre pas un contexte favorable à l’émergence d’une telle conscience. Personne ne côtoie les syndicats ou les associations, ce qui entraîne un isolement sans précédent. Le Boucher est isolé, et s’isole lui- même. Il vit son destin social comme un destin individuel, c’est-à-dire un destin qui lui serait exclusivement réservé, alors qu’il est le quotidien de la quasi-totalité de ses fréquentations. Est-ce pour cette raison qu’il ne pourra jamais porter secours, par exemple à la vieille agonisante à l’hospice ou bien à l’infirmière ?

Ces deux exemples explicités précédemment nous montrent que Le Boucher est saisi par un processus d’aliénation quant aux rapports sociaux, c’est-à-dire étranger à lui-même, ce qui entraîne une sorte de défaillance dans la construction de son altérité.

Lorsqu’il n’est pas violent, Le Boucher est passif, plongé dans ses pensées les plus obscures qui nous sont révélées. Il n’a absolument aucun élan vers l’autre, du fait que sa construction altéritaire défaillante entraîne un rapport particulier, voire trouble à la réalité.

Cela le rend souvent interprétatif, voire un peu paranoïaque.

Pour Le Boucher, ces « autres » sont au cœur de ses fantasmes de meurtre, comme avec le patron de l’abattoir après son refus d’embauche dû à sa « petite fiche » ou bien avec le jeune homme du comptoir, qui semble le mépriser car il n’a pas assez pour payer sa consommation. Ces fantasmes de meurtres sont dus la plupart du temps à une humiliation que Le Boucher subit (« les cinquante ans d’humiliation que je me suis pris dans la gueule ») et répondent à une « vengeance de classe » : « Vous voyez ? Vous, vous avez une maison, une voiture, des vêtements, et du fric bien au chaud dans une banque. Eh ben moi, de mes trente-cinq ans de travail, il ne reste rien. Ce qu’il reste de ma vie, c’est pas sur votre petite fiche. C’est mon flingue. Ah, je suppose que vous avez pas l’habitude des flingues. Mais moi, c’est du fric que j’ai pas l’habitude. Pourtant moi aussi j’aurais préféré une vie normale comme la vôtre. Après trente-cinq ans de travail et d’honnêteté, je vois mon ancien fournisseur qui me traite comme si j’étais le plus minable des clochards. […] je suis une merde, mais une merde avec un flingue. […] Le chômeur il t’encule. Parce que parmi toutes les races qu’il y a dans ce monde, il y a une race qu’il faudrait éliminer. Et tu sais laquelle ? C’est la tienne. Celle des faux culs et des collabos. » ; « Enculés de bâtards ! Oui, moi aussi je vais chercher mon calibre. Ils me connaissent pas encore. Ils savent pas qui je suis. Quand la violence t’appelle, faut jamais faire demi-tour. C’est une histoire d’hommes. Je vais régler ça au plus vite. Et de la manière forte. Moi je vais leur apprendre la justice de mon pays. Devant mon calibre, ils vont incliner la tête, ces ordures. Il n’y a pas de justice sans vengeance. Et comme je suis pas collabo, je vais pas appeler les flics. C’est à moi de l’appliquer cette putain de justice ! La peine de mort pour les pourris ! »

Nous venons de voir qu’il ne peut qu’haïr l’autre et nous pouvons nous demander ce qui motive ce sentiment massif.

b. La haine de l’autre comme tentative de réparer ses blessures

Chez Le Boucher, la destruction répond à sa haine du monde. Cet homme en perte de repères, erre, il ne peut s’orienter dans le monde. La haine encombre le sujet.

Comment concevoir que Le Boucher s’accroche à cette haine ? Nous pouvons émettre l’hypothèse que cette haine aurait un sens et serait synonyme de solution pour lui, pour (sur)vivre. Cette haine, qui s’inscrit, comme développé précédemment, dans une logique de « l’autre ou moi », s’exprime au dépend de l’autre, peut-être pour sauver quelque chose de la subjectivité du Boucher. Il est fragile : un regard, un mot, un geste, un pensée l’effondre, et fait effondrer son monde. Cette fragilité relève d’une insécurité dû à des blessures précoces : abandon, viol ; et plus tardives : placement de sa fille, tentative de meurtre, prison, chômage.

Toutes ces blessures confrontent Le Boucher à des pertes sur-accumulées, qui empêchent toutes inscriptions symboliques ou sociales : aimer, se faire aimer, travailler, etc.

Elles le fragilisent encore d’avantage et dans la mesure où il n’a pas les moyens psychiques d’élaborer ses pertes, il y répond dans le champ de la pulsion, de la violence, en l’occurrence la vengeance haineuse.

Cependant, lors de ses fantasmes de passage a 1’acte, et notamment de meurtre, a la fin du film, Noé nous fait croire que Le Boucher assassine, de manière extrêmement violente sa fille, Cynthia, héroïne dans son imagination, avant de se suicider, d’une balle dans la tête, dans la chambre ou Cynthia a été conçue.

Meurtre de Cynthia fantasmé, Seul Contre Tous, Noé

Suicide fantasmé du Boucher, Seul Contre Tous, Noé

En réalité, Le Boucher passe par ce fantasme de meurtre de sa fille pour la « libérer » : « Tu sais, nous allons partir pour un long voyage, un très, très long voyage… Rien que toi et moi ? Tu es d’accord, non ? » ; « Ça y est. Ce qu’on devait vivre, on l’a vécu. Et ce n’était pas aussi beau que je le croyais. Maintenant, faut aller jusqu’au bout de cette angoisse. J’ai plus rien à perdre. Oui c’est ça. Si je fais ça c’est pour ton bien. C’est mon devoir de t’éviter des années de souffrance. Tu vas m’attendre de l’autre côté. J’arrive, juste après toi. Mais ça va aller très vite. » - il lui tire à travers la gorge, par derrière, la jeune femme agonise aux pieds de son père.

Étrangement, cette scène rappelle la première scène de Carne, lors de l’abattage du cheval, ainsi que Le Sang Des Bêtes de Franju (1949).

Première scène de Carne, Noé

Le Sang des Bêtes, Franju

Le Sang des Bêtes, Franju

Assassinat de Cynthia, Seul Contre Tous, Noé

Le fait que Le Boucher lui tire dans la gorge n’est pas anodin. En effet, durant tout le film (nous pouvons aller jusqu’à durant toute sa vie), Cynthia, enfermée dans son silence, est absente jusque dans son meurtre. Impossible de se débattre ou d’appeler à l’aide, elle est spectatrice de son propre assassinat. Cette fonction de spectateur se transmet au Boucher suite à l’achèvement de sa fille. En effet, ses pensées s’affolent suite à cet acte, et il se met à accuser un « ils » inconnu, le « Tous », une sorte de dépersonnalisation s’opère, en faisant les cents pas : « Ils ont tué ma fille / Faut qu’il arrête de penser ce gros bout. […] Mais quelqu’un a touché à ma fille. / Attends, il avait pas le droit. / Mais de quoi je parle ? / L’enculé qui a fait ça je vais le massacrer / Je dois faire gagner le bien / Ouais je vais le massacrer / C’est mon devoir / C’est l’ouvrier / C’est comme mon père, il était communiste / C’est pas l’ouvrier, c’est Le Boucher / Il voulait le bien pour le plus grand nombre / Il l’a tuée, et ça ils lui ont fait payer / Ils avaient pas le droit / Les Allemands / L’enculé, je dois le tuer / Ils l’ont tué parce qu’il était humaniste. […] Quant à ma mère / Il l’a tuée / Non / Moi je suis toujours le même / Elle ? / Orphelin, Boucher, chômeur / C’était le mal, tout à la fois. / Appuie si t’es un homme / Il paraît que c’était une répugnante salope qui balançait les juifs et les cocos aux Boches. T’es pédé ou quoi ?! / C’est souvent le mal qui gagne. […] Peut-être que la vieille salope qui m’a pondu m’attend, elle aussi ! / Et l’autre salope qui a pondu Cynthia aussi ! / Nous sommes innocents / Du calme / Et le bien doit gagner / […] »

S’ensuit ensuite un décompte terrifiant, tressé d’images abruptes de relations sexuelles, du corps sans vie de Cynthia, et du visage du Boucher, arme collée contre son cou, le doigt sur la détente. Tout s’accélère, le discours du Boucher est coupé par le décompte et par un râle devenant de plus en plus fort au fil de la séquence : « CINQ / Cette fois je serai président / QUATRE / Je le serai pour toi / TROIS / je gouvernerai la France / DEUX / Et je les enculerai tous autant qu’ils sont / UN / Ils y échapperont pas. Ca y est, le bouton rouge. Bientôt le vide / En attendant / le vide / Je ne leur laisserai que des bouts de ma cervelle. Enfin, j’y suis. C’est fini. BOOM »

Toute l’image vire au rouge, puis une fondue enchainée vient nous replacer dans la réalité en débouchant sur un très gros plan sur l’œil du Boucher, regardant sa fille.

Retour à la réalité à travers le regard du Boucher, Seul Contre Tous, Noé

Même quand le projet est constructif, il ne peut qu’emprunter les voix de la destruction. Pour autant, même si la « solution » de la haine est coûteuse, Le Boucher est vivant et ne désespère pas tout à fait de panser son existence.

c. Les passages à l’acte comme impasse

« Pour être habitable, le monde doit être mis en scène avec des mots ». [16]

Une impasse est une voix sans issue. Le passage à l’acte est une sortie du langage ; or, nous ne pouvons vivre les uns avec les autres que si nous parlons. Le Boucher est dans une impasse car il s’accroche à des transgressions dans lesquelles s’inscrivent les actes qu’il pose. Il pense que tous ses passages à l’acte peuvent changer quelque chose, alors que ceux-ci lui referment l’horizon. Il est dans une impasse consécutive à ce qui commençait mal dès le début de sa vie. Chez Le Boucher, il y a une particularité : plus encore que les actes, ce sont les mots/pensées qu’il déverse, qui résonnent comme des passages à l’acte.

Cependant, et c’est ici que se loge « l’humanité » du Boucher, la plupart des passages à l’acte qu’il « commet » sont des passages à l’ « acte manqué » : lors de son altercation avec le jeune homme du comptoir et le patron du bar, il promet de revenir se venger de l’humiliation qu’il a subi, mais il retournera sur ces lieux lorsque le bar sera fermé ; tous les meurtres sont commis dans son imagination.

Ajouté à l’ambiguïté de sa vision par rapport à la scène raciste à laquelle il assiste, ces points furtifs d’humanité signent notre hypothèse : Gaspar Noé est-il un cinéaste du social contemporain à son insu ?

L’éparpillement de ces fragments d’humanité montre que la question sociale le dépasse. Le social dépasse Noé lorsqu’il se sert de ces traces pour humaniser Le Boucher car « l’essence de l’homme n’est pas une abstraction inhérente à l’individu isolé. Dans sa réalité, elle est l’ensemble des rapports sociaux. » [17] : pour Le Boucher, elle fonctionne surtout dans l’exclusion et dans ses rapports d’exclusion. Les rapports sociaux dans lesquels il se trouve, donc des rapports d’exclusion, forment son essence. Il est inscrit dans des rapports sociaux d’aliénation. Ici se trouve l’ambivalence du Boucher car, il peut y avoir, dans les rapports sociaux, des rapports humanisant.

La spécificité du passage à l’acte est de contenir une dimension de violence, violence qui surgit brutalement de manière inattendue en permanence. C’est en cela que nous pouvons parler d’effraction. Le passage à l’acte contribue à accroitre la solitude profonde du Boucher : en faisant effraction envers l’autre, celui-ci s’éloigne.

Ainsi, le passage à l’acte répond à la logique de « l’autre ou moi » et constitue une impasse relationnelle, autrement dit humaine.

Plus le boucher passe à l’acte, plus il se renferme sur lui-même, plus il est menacé par le monde, plus il s’isole, plus il est dépossédé de sa subjectivité. Cette dépossession alimente, en boucle, les passages à l’acte. C’est, à partir de ce cercle vicieux, que nous pouvons y voir la dimension d’impasse. Le Boucher devient donc sa propre victime.

3. « Tous » – Un monde vide qu’autrui a déserté

« Et la Mère, fermant le livre du devoir,
S’en allait satisfaite et très fière, sans voir,
Dans les yeux bleus et sous le front plein d’éminences,
L’âme de son enfant livrée aux répugnances. »
Arthur Rimbaud [18]

Le Boucher, Seul, est Contre « Tous », c’est-à-dire non pas « avec les autres » mais en dépit de « Tous » les autres. Ici, « Tous » relève d’une totalité sans distinction et semble avoir pour fonction d’intensifier le « Seul ». Dans le registre de l’absolu, le « Tous » ne laisse donc aucune chance, ni aucune ouverture : « Tous » c’est quiconque s’approcherait pour briser la solitude, « Tous » n’est pas un collectif mais un bloc, une entité totalitaire plus qu’unitaire, synonyme de la non affiliation du Boucher à quoi que ce soit : syndicats, associations, etc. L’emploi de « Tous » est alors l’expression même de l’expérience de solitude du Boucher, liée au tragique et à la souffrance.

a. Être, non pas avec les autres mais en dépit de tous les autres

Est-ce ce « Tous » que le Boucher perçoit dans le miroir ? Sur qui, au fond, s’apprête t-il à tirer ? Le Stade du Miroir [19] présume d’un instant fondateur, celui où, à travers son reflet dans le miroir le sujet prend conscience de lui-même et de l’unité de son corps. Ici, ce corps ne cesse de voler en éclats, le sien, celui des autres, y compris, dans le fantasme, celui de sa fille, ou de faire s’éparpiller le corps de l’autre : le meurtre du bébé dans le ventre de sa mère.

Là où le film de Tarkovski Le Miroir [20] (1975), rappelle que justement l’homme n’est pas seul au monde face à ce que l’existence contient de douleurs, que justement il est humain de partager ces douleurs avec les autres et dans une sorte d’engagement, celui que Lévinas nomme « la responsabilité pour autrui », le film de Noé semble n’offrir que peu d’espoir : en témoigne la scène du miroir, la voix-off, intérieure, du boucher face au visage, non pas de l’autre, mais de lui-même.

Scene du miroir, Seul Contre Tous, Noé

Pourtant, Le Boucher est « Seul Contre Tous » mais aussi « Tout Contre » sa fille.

La solitude sociale, l’incapacité à s’affilier, se lier d’amitié, voire d’amour fait du héros un homme seul, impossibilité de s’inscrire dans le social, il est désaffilié : absence du travail du deuil de ses parents, principalement son père, il n’est pas tenu par une filiation paternelle, si ce n’est traumatique, il n’a même pas de nom, et désaffilié socialement car impossibilité de se lier avec n’importe qui. Il dialogue avec lui-même, se raconte sa propre histoire à voix haute, incapable de partager, de s’associer avec quiconque, un ami, un groupe, une association, un syndicat. Seul dans le monde, plutôt que contre le monde, ce monde fait de misères, d’injustices, de morale inexplicable, insupportable pour lui, du fait de sa souffrance individuelle, il se plaint mais ne fait rien pour changer les choses, il est désocialisé dans le social. Si le héros, d’une certaine manière, élabore et symbolise à haute-voix dans une sorte de monologue intérieur, il n’arrive pas à se lier du lien social, ne le souhaite pas. Rien ne le soutient dans le social, si ce n’est sa rancœur, voire sa haine.

b. « Tous », entité totalitaire, comme expression tragique de la solitude du Boucher

Le terme « Tous » peut signifier la somme de plusieurs autres avec lesquels nous serions en relation mais ici, ce « Tous » est anonyme : il fait bloc, il fait masse. Aucun autre singulier ne s’y découpe. C’est pourquoi il ne laisse entrer aucune lueur, il n’offre aucune ouverture et alimente la certitude du Boucher qui loge « Tous » à la même enseigne : des persécuteurs, pour certains, à abattre. Personne ne peut faire face à un « Tous » ainsi perçu. La moindre rencontre résonne comme un envahissement, une intrusion, une agression et déborde Le Boucher d’angoisse et de haine. « Tous » est supportable dans un vivre ensemble, sinon c’est une entité forcément ennemie, une pure menace. On ne vient pas à bout, « Seul », d’une entité fermée et totalitaire.

Le Boucher est à lui-même son propre néant dans la mesure où il a rompu tout lien avec la communauté des hommes.

Le Boucher se vit comme exclu des lieux signifiants de l’intégration, il reste figé dans une position de victime, sans accepter ce qu’on lui propose, ce qui limite les moyens de reconstruire son histoire.

Le Boucher questionne le sens de la vie et du monde. Le tragique de sa solitude est au centre de sa détresse. La tragédie se spécifie d’être « Seul » confronté à un « Tous » informe et se décline dans sa passion haineuse.

Seul Contre Tous est bien une tragédie, de celles qui explorent les passions humaines, trop humaines. Le Boucher n’est pas un personnage illustre, il est un anonyme aux prises avec des conflits intérieurs massifs et un destin malheureux, inéluctable : son histoire relève de ce que l’on pourrait nommer une tragédie prolétarienne.

Aucune échappatoire n’est possible, les décors du film renforcent cette idée : perspectives écrasées, rues vides, murs tagués, haut murs des usines s’appropriant l’image au fil du défilement du Boucher.

Lorsque André Green dit que « la transformation dans la vie psychique au moment du deuil soudain de la mère qui désinvestit brutalement son enfant, est vécu par lui comme une catastrophe […] il constitue une désillusion anticipée et […] il entraîne outre la perte d’amour, la perte de sens, car le bébé ne dispose d’aucune explication pour rendre compte de ce qui s’est produit. » [21], résumé comme son concept de la « mère morte », cela fait directement écho à la situation du Boucher ainsi que de sa fille. En effet, les deux protagonistes n’ont pas connu leur mère, abandonnés dès leurs naissances.

Tragédie dans la tragédie, l’absence du père comme fondateur de l’accès au symbolique, laisse cet enfant en dés-errance. L’abandon par sa mère le conduira à répéter des situations mortifères à l’égard des femmes, avec qui il entretient des rapports déshumanisés et déshumanisants, violence, mépris, haine des femmes, ceci peut-il être vu comme une vengeance par rapport à sa mère, l’ayant abandonné ? Sa propre fille est abandonnée par sa mère : la tragédie se répète. Mais la répétition ne s’arrête pas la : sa relation incestueuse avec sa fille comme celle qu’il a eu avec le prêtre le prouve. Le social c’est le trauma qui se répète, et lui « vole son innocence » une seconde fois. Le social, apparaît ici comme un monde fermé, un univers clos sur lui-même, où il n’y a aucune ouverture politique, aucune lutte organisée, aucune espérance, si ce n’est une morne répétition. À l’intérieur de ce « monde clos », le sujet répète et revendique sa solitude, voire sa misogynie et son homophobie en tentant de justifier ses actes selon sa propre morale et sa propre justice.

Conclusion – L’Autre ?

Finalement, l’altérité, c’est-à-dire le rapport social, surgit dans sa vie, là où il ne l’attendait pas. C’est justement cette altérité imprévue qui ramène Le Boucher au symbolique, du grec sumbolon : objet coupé en deux constituant un signe de reconnaissance quand les porteurs pouvaient assembler les deux morceaux. Le Boucher découvre donc le symbolique en découvrant « l’amour incestueux ». Il tombe amoureux de sa fille, la chair de sa chair. C’est un film sur la chair ; en tant que boucher, le travail de la chair est son métier mais cela va beaucoup plus loin : il a un rapport charnel au monde, Le Boucher est du côté de l’archaïque.

Lorsqu’il est ramené au symbolique, il découvre que l’Autre existe, mais s’unit à l’errance et non pas à la Loi. Cette découverte de l’altérité est donc paradoxale, même s’il se sauve lui même.

La question du sujet se conclue également à la fin du film. En effet, durant la majeure partie du film, Le Boucher parle (de lui) à la troisième personne, c’est-à-dire de manière impersonnelle, tandis que durant son dernier monologue, la première personne du singulier domine, il se « père-sonnalise » et devient sujet. Le « Je » n’est plus autre.

Si Le Boucher est sans nom, Cynthia est sans mots, muette, mutique, sans voix, sans langage. Mais Noé renverse la situation : lors de la dernière scène, c’est Cynthia qui pose l’acte. Elle va dans les bras de son père, est-elle seule contre tous également ? La tragédie individuelle et sociale du père a débuté sa répétition lors du placement de Cynthia.

Cet acte que Cynthia pose peut être résumé par une citation de Christian Hoffmann : cet acte serait « une demande d’amour, de reconnaissance de l’être sur un fond de désespoir » [22].

Coup de théâtre de Gaspar Noé. L’amour « sauve ». Dans cet univers clôturé sur lui-même la fille devient la femme, et la femme l’amour. Après mille errances incestueuses, liées à la promiscuité avec une jeune fille adolescente mutique, le « héros » découvre pour elle une tendresse, un amour qui d’une certaine manière transcende tout le récit tragique et désespéré. Une lueur d’espoir apparaît, Seul Contre Tous devient « Seuls Contre Tous ». Coup de génie de Gaspar Noé, de la souffrance insondable, de la solitude innommable, de l’irréversible, émergent une lueur d’espoir, comme une résurrection du sentiment amoureux, une renaissance de la tendresse infinie. Situation impossible, impensable, innommable et en un certain sens irreprésentable. Cet homme, seul contre tous, aime sa fille comme une femme. Il veut la faire devenir femme. Cette fille-femme toujours silencieuse, vient vers lui. Un horizon apparaît, alors que tout le film est confiné, monde clos, une rue, des enfants qui jouent, l’espoir renaît.

Cynthia allant dans les bras de son père, Seul Contre Tous, Noé

Dernier plan du film, des enfants jouent, Seul Contre Tous, Noé

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Tarkovski, A. Le Temps Scellé (2004) Petite Bibliotheque des Cahiers du Cinéma



NOTAS

[1Noé, G. (2014). Carne, Seul contre tous. Paris : L’avant-scène cinéma, p54 à propos des découpages.

[2Agamben, G. (2008). Qu’est-ce que le contemporain ? Paris : Rivages poche/Petite Bibliothèque, p.10.

[3Levi, P. (1947). Si C’est un Homme, (trad. Martine Schruoffeneger), chap. 17. « Histoire de dix jours » Paris : éd. Julliard, coll. « Pocket », 1990, p.185.

[4Furtos, J. (2009). De la Précarité à l’auto-exclusion. Paris : Editions Rue d’Ulm,

[5ibid.

[6ibid.

[7ibid.

[8ibid.

[9Lacan J., « Introduction au commentaire de Jean-Hyppolite sur l’affaire Verneinung » (1954) dans Ecrits, Paris, Le Seuil, 1966, p.375

[10Hachet, A. Le passage à l’acte adolescent. Une tentative ratée de production du sujet. Recherches en psychanalyse, 20(2). 2015, p.127

[11Furtos, J. (2009). De la Précarité à l’auto-exclusion. Paris : Editions Rue d’Ulm, p.21

[12ibid.

[13Benhaïm M. « Vivre est plus difficile que survivre » in Douville, O. (dir). (2012). Clinique psychanalytique de l’exclusion. Paris : Dunod.

[14ibid.

[15Camus, A. (1942). L’étranger. 2005, éd. Folio plus classiques p.102.

[16Legrendre P. La fabrique de l’homme occidental, Paris, Mille et une nuits/Arte éditions, 1995.

[17Marx K. « Thèses sur Feuerbach » in L’idéologie allemande. (2014) Paris : Editions Sociales.

[18Rimbaud, A, « Les Poètes de sept ans », Lettre à Paul Demeny du 10 Juin 1871, Poésies, 2005, Paris, Hatier.

[19Lacan, J, Ecrits, Seuil, 1966.

[20« C’est avec Le Miroir que j’ai commencé à comprendre que faire un film, à condition de prendre son métier au sérieux, n’est pas juste une étape dans une carrière, mais un acte qui détermine tout un destin. Pour la première fois, j’osai parler avec les moyens du cinéma, directement et spontanément, de ce qui me tenait le plus à cœur, de ce que j’avais de plus sacré. » Tarkovski, A. in Le Temps Scellé (2004) Petite Bibliothèque des Cahiers du Cinéma.

[21Green, A. (1983). « Le complexe de la mère morte ou l’appel du vide » in Narcissisme de vie, narcissisme de mort, Paris : Minuit, 2007.

[22Hoffmann, C. L’agir adolescent. Erès, Le Bachelier, 2004. p.19