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Sublimation et mélancolie noire : la création d’Yves Saint-Laurent
Yves Saint-Laurent | Jalil Lespert | 2014 Saint Laurent | Bertrand Bonnello | 2014
Laetitia Jodeau-Belle laetitia.jodeau@wanadoo.fr

Introduction — “La mode passe, le style demeure” [1]

Deux films français ont été consacrés à Yves Saint Laurent il y a un peu moins de dix ans : celui de Jalil Lespert, Yves Saint-Laurent [2], retrace l’histoire officielle du créateur quand celui de Bertrand Bonello, Saint Laurent , [3] constitue plutôt son envers et alternant les scènes oniriques aux accents proustiens avec celles des « dérangements » d’Yves Saint Laurent – dans ses pensées, sa sexualité et ses émotions. Mais chacun à leur manière, ils nous démontrent, à travers deux jeunes acteurs, Pierre Ninez et Gaspard Ulliel, qu’Yves Saint Laurent reste d’une grande modernité.

Les femmes, en effet, s’habillent aujourd’hui en Yves Saint Laurent sans le savoir : c’est lui qui, en 1962, inventa le caban et le trench, mais aussi le smoking en 1966, la saharienne et le tailleur-pantalon en 1967, les transparences et le jumpsuit en 1968. Il souhaitait habiller toutes les femmes et créa, pour ce faire, sa boutique Yves Saint Laurent Rive Gauche en 1966 à Paris, ouvrant ainsi la voie à la mode contemporaine : "La femme contemporaine, j’ai inventé son passé, je lui ai offert son avenir et cela durera bien après ma mort" [4]

Yves Saint Laurent ne suivit pas la mode, il la devança, et chacune de ses collections produisait un "choc" esthétique mais aussi social : sa couture accompagna le mouvement d’émancipation des femmes du carcan bourgeois qu’il exécrait – la bourgeoisie l’ennuyait, elle était conforme, étriquée. Il chercha, lui, un mouvement inédit dans le vêtement qui bouleverserait non seulement l’image du corps mais touchait aussi à l’attitude, à la façon d’être. Il voulut produire un trou dans le discours établi, qu’il y eut un avant et un après sa couture : qu’elle fît, donc, interprétation pour la société.

Françoise Giroud (1978) s’en fait le témoin éclairé :

Le secret qui a rendu Yves Saint Laurent souverain de son époque, c’est qu’il hait la mode. La mode telle qu’on l’entend, métronome stupide qui bat l’année à deux temps — été hiver, hiver été — et qui voudrait croire qu’il donne le "la". (…) Le "la" n’est pas là, si j’ose dire. Si le "la" selon Saint Laurent rencontre tant d’échos depuis vingt ans, c’est parce que, pour des raisons impénétrables, cet homme solitaire au destin singulier, qui ne sort guère de sa tanière dorée, a une perception aiguë de son temps

1. Émergence de la création

Yves Henri Donat Mathieu-Saint-Laurent est né en août 1936 à Oran. Son père, Charles Mathieu-Saint-Laurent (1909-1988) a une belle situation. Il s’occupe d’une compagnie d’assurance et gère une chaine de cinéma au Maroc, en Tunisie et en Algérie. Il est descendant de Pierre Mathieu de Metz (né en 1640), issu d’une famille alsacienne de magistrats, qui a fui Colmar en 1870 pour échapper aux allemands.

Leur nom d’origine est « Mathieu de Heidolsheim ». Amie intime de Bartholdi, la grand-mère Emilie Leblond ayant des origines mexicaines a posé pour le sculpteur devant la fontaine de Colmar pour son œuvre Fontaine des Cinq Continents en raison de ses descendances amérindiennes. Le grand-père, Marie-Jules-Henri s’est établi à Oran comme avocat après avoir passé sa thèse de latin. Sa mère, Lucienne Wilbaux (1914-2010) est également native d’Oran.

Ses origines sont romanesques : née Wilbaux, d’une Espagnole de Sidi-Bel-Abbès et d’un ingénieur belge des mines de charbon de l’Oueza, Lucienne a été élevée par la sœur de sa mère. Très fortunée, cette tante lui a enseigné très tôt le goût des bijoux, des robes, de la vie luxueuse. Elle a grandi « en menant une double vie. Pensionnaire triste au lycée de jeunes filles Stéphane-Gsell, elle vit son premier bal en 1930, passe des étés grand style à Paris avec ses cousins Henri et Pierre. (Benaïm, 2002, p.18)

Yves grandit au milieu des femmes.

C’est l’enfant roi. Il aura tout. (…) On l’habille comme un moussaillon de gala avec des pantalons blancs et des sandalettes. Très vite, il comprend ce qu’on attend de lui et joue son rôle d’enfant avec un admirable sens du caprice. « Non je ne t’aime pas comme ça », dit-il à sa tante Renée : elle change alors trois fois de tenue pour lui plaire. (Benaïm, 2002, p.20)

A treize ans, déjà, il écrit à sa mère ce poème qui indique que le désir ne trouve pas appui sur le manque : “Comme tu es heureux. Tu n’as besoin de rien. Tu as tout. La beauté, la richesse, la jeunesse. C’est beau d’être comme ça. Mais cette vie, tu en es déjà las. Tu n’en as plus envie” (Benaïm, 2002, p. 52).

1.1. Un prélèvement nécessaire

Yves Saint Laurent baigne dans le luxe et la douceur maternelle. Il aime contempler sa mère, la voir changer de toilettes, sortir et danser. Un souvenir précis, à ses quatre ans, constitue pour lui « sa première vision de mode » (Benaïm, 2002, p. 24) qu’il ne cessera ensuite de vouloir retrouver, tel Swann [5], personnage emblématique de Marcel Proust et auquel Yves Saint Laurent voue une admiration sans borne. [6]

Alors que son père est une nouvelle fois absent, il suit en cachette sa mère rejoindre une salle de bal dans une base américaine. Il l’aperçoit alors habillée en “robe de crêpe noir qui dégage harmonieusement ses épaules ” [7] (Benaïm, 2002, p. 24), au bras d’un soldat américain. Sans doute ce souvenir trouve-t-il sa puissance et sa préservation de par ce contexte de transgression et de clandestinité. A l’insu de sa mère, il lui dérobe cette image d’une femme qui ravit les hommes, en cachette du père. Il se fait ainsi complice de la jouissance maternelle. Il en prélève la beauté de la robe noire qui la rend sublime.

Cette forme de clandestinité, tant de son côté que de celui de sa mère, va se poursuivre au-delà de l’événement interdit et trouve ici les coordonnées de l’émergence de sa création. Lors des absences fréquentes de celle-ci, Yves Saint-Laurent prélève dans ses robes de soirée un bout de tissu (Teboul, 2002). Ainsi trouée, la robe n’a plus sa tenue, entamant par là même la vision idéalisée de sa mère.

Cet acte de découpe est un « dérobement » donc à entendre comme un rapt, un vol, mais aussi à la lettre comme le fait de ravir un bout de robe. Ce vol fait à la dérobée, pourrions-nous dire, est aussi bien celui d’un morceau de matière que celui d’un objet du corps, le regard, désormais marqué par une perte imaginaire et qu’Yves Saint Laurent emporte avec lui dans sa création. Une perte irrémédiable marque les objets pulsionnels. Et c’est en effet à partir de cette extraction, produite de lui-même, qu’il va pouvoir créer et se faire lui-même metteur en scène d’une machinerie pulsionnelle.

1.2. Une machinerie

Il explique alors lui-même :

J’avais créé à partir de là toute une machinerie pour placer les décors et les éclairages. Je découpe ainsi dans du carton des silhouettes pour les habiller à partir du prélèvement dans les robes de ma mère des bouts de tissu que je place ensuite sur des figurines de théâtre, elles-mêmes évoluant dans un théâtre de bois où se jouent des pièces parisiennes. (Benaïm, 2002, p. 34)

C’est comme un jeu de poupées — paper-dolls — qui continuera longtemps d’alimenter son travail de Haute-Couture. La machinerie théâtrale se transforme au gré du jeu une maison de couture prestigieuse qu’il nomme « Yves Mathieu Saint Laurent Haute Couture Place Vendôme », où il fait évoluer les poupées et dont les noms sont empruntés à des véritables mannequins. Des femmes lui passent commande de tenues vestimentaires, il a une connaissance précise du marché. Il aime particulièrement présenter son jeu à ses sœurs cadettes, en cachette de leurs parents.

Cette installation est produite à partir d’une métonymie et non d’une métaphore : des bouts de tissu sont extraits des robes maternelles non dans la visée de produire l’angoisse comme cela est le cas dans la perversion avec l’instauration d’un fétiche. Ils ne sont pas davantage des objets au statut transitionnel qui lui permettent d’accompagner la séparation d’avec le corps maternel car il leur manque les conditions nécessaires pour leur élection : celles du don fait par la mère, la texture et l’odeur qui évoquent le sein maternel. Ces bouts de tissu prélevés dans la robe produisent une castration imaginaire, mais non symbolique.

Ces chutes de robe sont alors détournées de leur statut de déchêt par une opération de sublimation qui élève l’objet à un statut d’agalma. Ce tissu habille le corps de carton et le phallicise. Nous pouvons dire que cette machinerie constitue un tenant-lieu de fantasme imaginaire où il se fait le maître du jeu d’opérations marchandes et où le jeu du phallus imaginaire circule dans ses différentes tractations. C’est un traitement sublimatoire de la jouissance. Cela lui permet, grâce à cette trouvaille, de s’extraire lui-même de son statut de phallus maternel.

Ce traitement de la jouissance par la sublimation va lui permettre de faire de ce dérobement un art de la tenue et de la robe. En effet, c’est à partir d’un trou, produit lui-même dans la robe de la mère, et dont il récupère l’objet dans son art, qu’Yves Saint Laurent [8] va créer.

Autrement dit, c’est au bord du trou, du dérobement, qu’opère sa création. Celui-ci lui permet de ne pas y tomber, voire de le recouvrir par le Beau. Nous reviendrons sur ce point ultérieurement.

Sa vie est également marquée deux premiers évènements de perte : à ses six ans, la perte de la mère au moment de sa première rentrée à l’école catholique redoublée par la naissance d’une seconde sœur ; et la perte, cette même année, du grand-père maternel adoré qui marque pour lui un tournant majeur. C’est à ses treize ans, alors très malmené pour sa grande timidité et son côté dit “efféminé”, qu’il se promet avoir « son nom en lettres de feu sur les Champs Elysées » (Benaïm, 2002, p. 29). Il veut donc se faire un nom en lettres capitales.

1.3. Une révélation

Lorsqu’il rentre de l’école, Yves Saint Laurent se jette dans ses rêveries de personnages de théâtre que ses lectures de revues parisiennes nourrissent allègrement. Il assiste à la première de l’École des femmes (1662) de Molière avec Louis Jouvet (1950), qui mourra un an plus tard. Ce fut comme une révélation pour lui : le décor, les lumières, et surtout le texte de Molière, plein d’esprit et avant-gardiste sur les femmes va considérablement l’inspirer. Il précise :

Parce que la maison s’ouvre suivant un procédé mécanique et on voit le jardin, on voit Agnès qui apprend à Jouvet que le petit chat est mort. Ça été une émotion extraordinaire, et d’ailleurs je crois que c’est la plus extraordinaire que j’ai eue de ma vie.

Il reconnaît là une famille qu’il veut faire sienne : celle des décors de théâtres particulièrement de Bérard, et des costumes. Ses défilés de Haute-Couture sont des pièces de théâtre à part entière : s’y retrouvent la magie du défilé, le sens du spectacle, la beauté du décor et l’emprunt fait à l’œuvre d’un écrivain sur laquelle il s’appuie. La fiction est essentielle dans la mise en œuvre du travail d’Yves Saint Laurent : elle accompagne sa création, lui donne ses couleurs, son ambiance, son texte.

La pièce de Molière jouée par Jouvet eut sur lui un grand effet : celle d’y entendre un texte où la condition des femmes est reconnue comme pouvant équivaloir à celle des hommes, mais aussi le procédé ingénieux qui fascine alors Yves Saint Laurent. Ce décor transformable permet ainsi de préserver l’unité du lieu tout en rendant la situation plus vraisemblable : Agnès ne sort pas dans la rue, tandis que l’accès de la maison est en effet interdit à Horace. C’est un décor en trompe-l’œil qui permet aux personnages de rentrer et sortir clandestinement. On y apprend alors de la bouche d’Agnès, dans toute sa naïveté que « le petit chat est mort », ce à quoi Arnolphe répond : « C’est dommage : mais quoi. Nous sommes tous mortels, et chacun est pour soi » (Acte 5). Si la perte est balayée d’un revers de la main par Arnolphe, elle fit pour Yves Saint Laurent un grand effet. Car, en effet, n’a-t-il pas également entendu que « la mort » touche les êtres vivants et les situe comme mortels. La perte est cette fois supportable car elle est interprétée par la fiction et habillée d’un décor. L’émotion fulgurante qui le saisit dans son corps et le ravit, trouve ici encore, un traitement par le beau et le texte d’un homme de lettres.

2. « Élévation d’un objet à la dignité de la Chose » [9]

Le destin de la pulsion, qui donne son terme à la sublimation, représente une inhibition quant au but. Lacan en retient son aspect paradoxal pour montrer que la sublimation est aussi

satisfaction de la pulsion alors qu’elle est inhibée quant à son but, alors qu’elle ne l’atteint pas. La sublimation n’en est pas moins la satisfaction de la pulsion, cela sans refoulement. L’usage de la fonction de la pulsion n’a pour nous d’autre portée que de mettre en question ce qu’il en est de la satisfaction. (Lacan, 1973, p. 151)

La sublimation renvoie ainsi à une satisfaction indirecte : par son opération de détournement et retournement sur l’Autre, elle donne

existence de discours à sa créature. Car la pensée même où je lui restituerais son savoir, ne saurait l’encombrer de la conscience d’être dans un objet, puisque cet objet, (elle l’) a déjà récupéré par son art. C’est là le sens de cette sublimation dont les psychanalystes sont encore étourdis de ce qu’à leur léguer le terme, Freud soit resté bouche cousue. (Lacan, 2001, p. 195)

Et tel est aussi bien le trajet d’un bout de tissu prélevé sur la robe maternelle et qu’Yves Saint Laurent récupère dans son art pour l’élever au rang de l’idéal.

2.1. Transformation du déchêt

La sublimation permet ainsi d’introduire l’objet a lacanien par une opération qui consiste à élever cet objet qui, par essence, est un déchêt.

Qu’est-ce que le déchet ? (…) c’est ce qui est rejeté et spécialement rejeté au terme d’une opération dont on ne retient que l’or, la substance précieuse qu’elle apporte. Le déchêt, c’est ce que les alchimistes appelaient caput mortuum. C’est ce qui tombe, ce qui choit, quand par ailleurs on s’élève. C’est ce que l’on évacue, ou que l’on fait disparaître pendant que l’idéal resplendit. (Miller, 2010, p. 13)

La sublimation permet ainsi de rendre compte de quelle façon s’opère la jonction entre le signifiant et sa matérialité, et la jouissance du corps. La clinique de la psychose nous enseigne sur ces modalités de jonctions, soit de quelles façons le signifiant permet, ou non, de réguler la jouissance. La sublimation est un mode de traitement de la jouissance par le savoir-faire d’un artiste. Son inscription dans le lien social, dans le champ de l’Autre, produit nécessairement des transformations pulsionnelles : « J’aperçois la sublimation comme ce biais par où la jouissance, foncièrement autistique de l’Un, engraine sur le discours de l’Autre et vient à s’inscrire dans le lien social » (Miller, 2010, p. 11).

Yves Saint Laurent indique bien en quoi son art n’en passe pas dans un premier temps par la dimension de l’Autre :

Lorsque je prends un crayon, je ne sais pas ce que je vais dessiner, rien n’est prévu. C’est le miracle de l’instant, le trait. Je commence par un visage de femme et tout à coup, la robe suit, le vêtement. Ce n’est pas quelque chose que j’ai pensé avant, je ne sais pas ce que je vais dessiner, c’est la création à l’état pur, sans préparatifs et sans visions. C’est une passivité et une facilité, une aisance qui me sont venues au cours de ma vie de couturier. C’est un jaillissement de la pensée, de la création du vêtement qui m’éblouit moi-même. Quand le dessin est fini, je suis très heureux. Parfois ça marche ou pas, et alors il faut s’en détacher et y revenir au papier et au crayon. Il faut rester d’une certaine pudeur dans son style et respecter le corps de la femme. C’est comme ça que j’ai avancé, je suis toujours là depuis 40 ans, après Dior. (Teboul, 2002)

C’est ainsi qu’est née, par exemple, la robe Mondrian :

J’avais reçu un livre de Mondrian. Vous dire comment c’est arrivé, je ne sais pas, je ne peux pas vous le dire comment j’ai pu adapter sur un corps qui bouge ces lignes de Mondrian. (…) La souffrance dans la création est là toujours, mais c’est ce qui me donne ce pouvoir merveilleux de créer et à la fois cette sensibilité exacerbée qui me ronge. Il n’y a pas de création sans douleur. Je ne suis heureux qu’à l’arrivée. Maintenant que j’ai crée un style, c’est une facilité pour moi de m’y appuyer car il se développe continuellement.

L’art d’Yves Saint Laurent est, tel Joyce, « désabonné de l’inconscient » ([Lacan, 2005, p. 19). La sublimation se situe en-deçà du sens, et plutôt à rechercher du côté du hors-sens, de la lettre, de la jouissance. Néanmoins, quelques signifiants ont statut pour lui de signifiants-maîtres. Ils situent de quelle façon il en fait usage pour serrer sa jouissance selon la structure de son désir. Nous aborderons ce point plus avant dans ce travail.

2.2. S’appuyer sur un corps de femme

Les robes d’Yves Saint Laurent sont telles des écritures : elles suscitent en lui le désir d’un vêtement sur un corps de femme telles des pages blanches d’un livre où s’écrit le texte d’une fiction :

Quand je fais une robe, c’est un scénario presque, c’est une histoire, ça s’adresse à des femmes qui vivent tous les jours et dont j’essaie d’imaginer la vie. Ce que j’aime surtout, c’est faire comme si je pouvais sculpter la lumière, choisir un tissu, me soumettre à ses lignes, l’offrir à la lumière, maîtriser son mystère. Là, c’est comme si j’étais un peintre, un écrivain. [10]

Ce n’est ainsi pas avec son fantasme qu’il crée, c’est plutôt le vêtement qui produit le scénario.

Mon vrai style, poursuit-il, je l’ai puisé dans la garde-robe d’un homme c’est pour ça que mon style est plutôt androgyne. Car j’avais remarqué que les hommes ont beaucoup plus confiance dans leurs vêtements que les femmes qui n’avaient pas confiance en elles. J’ai cherché à leur donner cette confiance, une ligne, la ligne. [11]

Il déplace ainsi les lignes codifiées d’une sexuation imaginaire et anatomique qui consiste à attribuer à l’homme le pantalon et à la femme la robe. Yves Saint Laurent attribue aux femmes, par la création du trench (1962), du smoking (1966), du tailleur-pantalon (1967), un supplément phallique qui la rend égale à l’homme : « La femme contemporaine, j’ai inventé son passé, je lui ai offert son avenir et cela durera bien après ma mort [12] ».

2.3. Le Beau et le sublime

Le beau est une des composantes de l’art d’Yves Saint Laurent. Sa recherche est aussi esthétique et produit, sur le public aussi bien que sur lui-même, un ravissement. Cela produit un effet de jouissance corporel qui éblouit, apaise et satisfait le regard.

Lacan nous évoque le beau à propos d’Antigone dans son Séminaire VII largement consacré à la question de la sublimation. Il fait ainsi rejoindre les questions du beau et du sublime dans leur lien à la pulsion de mort introduite par Freud (1920) dans son texte Au-delà du principe de plaisir. Ainsi, le sublime oriente Lacan vers cette limite où l’amour laisse apparaître sa cruauté, sa radicalité, aux confins d’un acte « sublime », hors humanité, par le franchissement par Antigone des barrières du beau et du bien en se donnant la mort dans le tombeau du frère perdu.

Ainsi le beau est le dernier rempart devant le réel. « C’est d’ailleurs la grande figure d’Antigone qui apparaît ici au premier plan comme franchissement de la barrière de la cité, de la loi, la barrière du beau, pour s’avancer jusqu’à la zone de l’horreur que comporte la jouissance » (Miller, 1999, p. 13).

Dans cette perspective, le beau s’accorde bien davantage avec le voile et la fiction, préservant ainsi un écart avec le trou et le néant. C’est ce à quoi Yves Saint Laurent s’emploie sans relâche par son travail sur la matière, les mots, les couleurs et auxquelles se consacrent les créatures féminines qui l’entourent.

2.4. Une invention sinthomatique ?

Si Freud (1914) pensait, comme le soulignait Lacan, que la création pouvait constituer une formation de l’inconscient à part entière, il dut se résigner à abandonner cette piste pour privilégier l’ignorance en matière d’art ainsi que l’effet que l’œuvre produit sur le spectateur.

Nous approchons ainsi la jouissance de l’artiste qu’il vient déposer dans son travail de création et qui produit, sur nous, cet effet à nul autre pareil.

Considérons dès lors, plutôt avec Lacan que la création est davantage à rapprocher de ce qu’il appelle un sinthome comme ce qui permet de nouer de façon borroméenne les dimensions de réel, symbolique et imaginaire. Il suffit de couper un des fils pour que le nœud se dénoue et laisse libres chacun de leur côté ces trois registres qu’il situe comme homogènes. Lorsque cela trouve à se nouer, la jouissance vient à se nouer à l’image et à l’inconscient. Le corps est fait de cet « être à trois », pour reprendre Lacan. Le sinthome fait lien social car le sujet peut, avec lui, s’avancer sur la scène du monde, trouver son inscription propre et surtout faire usage de son corps en tant que sexué, au-delà de la différenciation anatomique.

Si nous suivons cette orientation du dernier Lacan qu’en est-il alors pour Yves Saint Laurent ? Sa création prend-elle fonction de sinthome pour lui ?

Yves Saint Laurent est précis dans ses termes, indiquant lors de ces nombreuses interviews qu’il a toujours trouvé son style avec les femmes, ce qui fait sa vitalité et sa force. Il dit s’appuyer sur un corps de femme, sur ses mouvements, sur ses points d’attache, travaillant toujours sur un mannequin vivant. Il ne peut ainsi rien décider sans ses mannequins. Certaines viennent au dernier moment, ce qui le crucifie. Il construit une robe à partir de ses dessins. Son dessin exprime la vérité du vêtement.

Cet « appui sur un corps de femme », c’est son art, c’est là sa « colonne vertébrale » et qui donne à son corps aussi bien son armature, sa sexuation, son image. Les « points d’attache » sont comme des points d’appui sur lesquels son corps trouve à se tenir pour éviter le dérobement. « Si le symptôme freudien se guérit, en revanche, du côté du sinthome, il s’agit de savoir quelle fonction lui trouver, comment en user jusqu’à atteindre son réel au bout de quoi il n’a plus soif » (Lacan, 2005, p. 15) [13]

Comment dire mieux alors ce que ce nouage permet, pour lui, en termes de désir et de vie ? Le vêtement fait nœud : il noue l’image du corps, une vitalité pulsionnelle, et la fiction empruntée à un auteur. Il lui donne un corps. C’est son escabeau, pour reprendre Lacan à propos de Joyce, qui élève son ego et l’y soutient.

3. « L’homme de génie et la mélancolie »

A travers toute la culture occidentale, court, comme la veine noire du malheur, le thème de la mélancolie. Et, dès les origines (grecques : Homère, le corpus hippocratique, Aristote), le trouble mélancolique est associé aux manifestations du génie. [14] Aristote (ou le Pseudo-Aristote), dans son Problème XXX souligne que la maladie affecte électivement les poètes, les philosophes et les héros, en bref les hommes supérieurs, que leurs qualités intellectuelles ou artistiques distinguent comme éminents. L’homme d’exception, et singulièrement, le créateur œuvre sous le signe de l’humeur noire. (Klibansky R., Panofsky E., Saxl F.,1989, p. 83).

La bile noire apparaît dans ce problème XXX comme une humeur présente en chaque homme. Les « particularités caractérielles » dépendent plutôt soit d’une « altération temporaire et qualitative de l’humeur mélancolique » causée par des désagréments digestifs, soit par « une chaleur ou un froid immodérés », ou encore « une prépondérance constitutionnelle et quantitative de l’humeur mélancolique sur les autres ». Dans le premier cas, l’altération engendre « des maladies mélancoliques » (épilepsie, paralysie, dépression, phobies et si une chaleur excessive est en cause, la témérité, les ulcères et la fureur) ; dans le second cas, la prépondérance de l’humeur fait de l’individu un mélancolique de nature. « A l’évidence, la seconde possibilité n’excluait pas la première, car il allait de soi que le mélancolique naturel était tout particulièrement sujet aux maladies mélancoliques et ce sous une forme des plus virulente ». Finalement, Aristote démontre que l’homme mélancolique naturellement, même en parfaite santé, possède un don tout à fait particulier qui fait de lui un homme exceptionnel. Cette « singularité spirituelle du mélancolique naturel résultait du fait que la bile noire possédait une propriété qui fait défaut aux autres humeurs : celle d’influencer la disposition de l’âme » (Klibansky R., Panofsky E., Saxl F.,1989, p. 89).

Ainsi, le caractère mystique qui rend le corps plus propice aux élévations de l’âme apparaît comme le trait singulier de l’homme mélancolique. La bile noire constitue cet élément extérieur à l’ensemble des substances terrestres (eau, lait, miel) qui modifie et transforme l’homme en un être exceptionnel, génial, traversé par des grandes émotions et états d’âme. Tout dépend de quelle façon cette bile noire est absorbée par le corps : soit elle n’a aucune influence, soit elle plonge l’homme dans toutes sortes d’états spirituels qui lui étaient normalement étrangers. De cela, le vin était un bon exemple et la bile noire produisait des effets comparables.

Ainsi, Aristote finit sa démonstration en indiquant que l’humeur mélancolique doit exister en quantité suffisantes pour élever le caractère au-dessus de la moyenne mais non pas si grande qu’elle engendre une mélancolie « trop profonde », et qu’elle doit conserver une température moyenne, entre « trop chaude » et « trop froide ». Alors, mais alors seulement, le « mélancolique n’est pas un monstre mais un génie » (Klibansky R., Panofsky E., Saxl F.,1989, [7], Klibansky, 1989, p. 79).

3.1. Mélancolie et sublimation

Nous voyons que la liaison entre mélancolie et création exceptionnelle est ainsi établie. Un rapport très étroit entre l’humeur mélancolique et l’activité artistique y est mis en évidence. L’artiste y est ainsi situé comme mélancolique par essence, ayant des affinités particulières avec l’horreur, l’au-delà de la barrière du désir. Il travaille alors à faire du beau son voile et son rempart à sa propre déchéance subjective.

L’art d’Yves Saint Laurent va avec la vie mais il n’empêche pas les affres de l’angoisse et une « humeur noire » quotidienne, exacerbée lorsqu’il doit produire une collection. Usé par la pression qui s’exerce sur lui, il prend la décision de mettre un terme à son travail.

Voici un extrait de son discours d’adieux à la Haute-Couture, en 2002 où il établit lui-même une liaison entre la sublimation et la mélancolie :

Tout homme, pour vivre, a besoin de fantômes esthétiques. Je les ai poursuivis, cherchés, traqués. Je les connais depuis mon enfance et c’est pour les retrouver que j’ai choisi ce merveilleux métier. Je suis passé par bien des angoisses, bien des enfers. J’ai connu la peur et la terrible solitude. La prison de la dépression et celle des maisons de santé. De tout cela, un jour je suis sorti ébloui mais dégrisé. Marcel Proust m’avait appris que

la magnifique et lamentable famille des nerveux est le sel de la terre, celle-ci est la mienne et j’en ai fait mon sel. Ce sont eux qui ont fondé les religions et composé les chefs d’œuvre. C’est grâce à elle que je me suis élevé dans le ciel de la création, que j’ai côtoyé les faiseurs de feu. Et les faux amis que sont les tranquillisants et les stupéfiants. (Benaïm, 2002, p. 847)

Pour Yves Saint Laurent, l’objet crée n’intervient pas sur fond de manque-à-être. L’hypothèse d’une création sur fond d’angoisse peut ici être soutenue. La fonction de la perte n’a pu être réalisée comme opérateur du manque symbolique. L’objet a reste du côté du sujet et la création permet alors de produire une cession de jouissance.

3.2. Une suppléance : être LE créateur de toutes les femmes

Le manque ici se nomme forclusion. L’incarnation du sujet n’est pas la castration et son vide inhérent, mais « le I de l’Idéal-du-moi ». Ainsi, prenons Schreber qui ne se prend pas pour le créateur de l’Univers mais plutôt pour celui qui restitue à l’Univers un ordre idéal par protestation au créateur de celui-ci. Lacan nous dit que « le sujet, en tant qu’Idéal, vient donc suppléer à la place du Nom-du-Père en tant que dans ce cas elle est laissée vacante » (Lacan, 1966, p. 571).

Le moins phi n’est donc pas l’opérateur de la castration ni de la création puisqu’il est absent. Lacan va l’écrire P0. « (…) la création psychotique [a/phi0 à lire comme a sur phi0] est un objet d’art qui vient suppléer à la forclusion du Nom-du-Père » (Miller, 1988, p.11). L’objet d’art est produit en rapport avec le trou forclusif mais reste sur son pourtour. Il produit un signifiant nouveau avec lequel le créateur construit sa suppléance. « Le recours à l’imaginaire est, dans ce cas, nécessaire au sujet pour qu’il constitue sa signification » (Lacan, 1966, p. 571). D’où sa notation que « la notion de créature est préalable à toute fiction ». Il entend ici la créature comme un « réel » qu’il s’agit de traiter par un travail supplétif.

Pour Yves Saint-Laurent, s’il y a emprunt à une fiction pour créer ses robes, là n’est pas l’essentiel de son art. Son réel c’est le corps sans articulation ni point d’attache, traversé par une jouissance illimitée et que les usages des stupéfiants intensifient.

L’usage de la sublimation a pour fonction de ramener la jouissance de l’Autre à l’Un, de localiser dans l’œuvre la jouissance malveillante et énigmatique au moyen d’une signification nouvelle qui tend vers un idéal. L’art de haute-couture fait suppléance, introduisant le vêtement de façon à chaque fois nouvelle et inédite. Yves Saint Laurent interprète le monde et le lien social à partir de ses inventions. Chacune d’elles produit une signification nouvelle qui concourt à l’avènement renouvelé de son être, celui d’être « le créateur de toutes les femmes ». Il occupe une position exceptionnelle tout en se situant lui-même comme faisant partie de l’ensemble des femmes.

En effet, il habille les femmes comme des hommes. Il peut ainsi suppléer, par son art, à la forclusion phallique qui le féminise, et ainsi border la jouissance de l’Autre envahissante.

3.3. La marque de l’idéal : le Y

Yves Saint Laurent fait quelques fois référence à de nombreux épisodes, qualifiés de dépressifs par son compagnon Pierre Bergé, rencontré en 1958 suite au décès de Christian Dior, notamment lorsqu’il dut, en 1960, alors jeune homme de 24 ans, faire son service militaire. L’ambiance virile lui était alors insupportable. Il connut alors un épisode mélancolique grave associé à une anorexie sévère.

« Pierre Bergé a tout ce que je n’ai pas », dit Yves saint Laurent à son sujet. Leur lien amoureux participe de sa richesse créative et sublimatoire. Il est un partenaire fondamental en tant qu’il fait barrage à la jouissance de l’Autre, notamment lorsque l’homosexualité se dévoile sur son versant de jouissance : Yves Saint Laurent tend alors à se faire l’objet de la jouissance de l’Autre, l’entraînant vers la déchéance et une indignité de son être. Sa relation avec Jacques de Bascher est, de ce point de vue-là, une mauvaise rencontre qui l’éloigne de l’amour et de l’élan créatif. C’est à Marrakech, lieu solaire, qu’il put contrer l’humeur noire mortifère. C’est là qu’il trouva la couleur et la lumière, dans le silence de la maison située dans le jardin Majorelle.

Pierre Bergé a su élever la création Yves Saint Laurent à un nom et une marque. Le Y constitue cette marque qui fait l’empreinte d’YSL. Autour de cette lettre s’enlace un serpent, phallus qui enserre le corps et qui l’habille.

Enfant, déjà, Yves Saint Laurent aimait chercher des bouts de bois ainsi faits, en Y, pour en faire collection. Puis, plus tard, il se satisfait des lectures de revues parisiennes du moulin rouge où apparaît, tel Don Juan, Reth Buttler, jambes écartées tel un Y à l’envers (Benaïm, 2002, p. 38). Et puis, bien plus tard encore, il y a la ligne Y qu’il invente dès 1958 avec ses robes « trapèze ».

Le Y est tel un trait de l’idéal. Il situe à la fois la marque de son désir quant au choix d’objet et en même temps un point identificatoire pour lui déclinée de façons différentes toute sa vie durant. Yves Saint Laurent, à défaut de pouvoir se servir des signifiants phallique et paternel, a su trouver dans sa création et dans son lien amoureux des points d’appui qui l’ont écarté d’un déclenchement de sa psychose. Il put ainsi démontrer, tout au long de son existence, que « la mode passe mais le style demeure ». C’est une position éthique et désirante.

Références

Benaïm, L. (2002). Yves Saint Laurent. Biographie. Livre de poche, Nouvelle Édition.
Freud, S. (1914). « Le Moïse de Michel Ange ». Essais de psychanalyse. Payot.
Giroud, F. (1978). Les vingt ans du petit Prince 1958-1978. Vogue.
Klibansky R, Panofsky E., Saxl F (1989). Saturne et la mélancolie. Etudes historiques et philosophiques. Nature, religion, médecine et art. Gallimard.
Lacan, J. (1966). « D’une question préliminaire à tout traitement de la psychose ». Écrits. Seuil.
Lacan, J. (1973). Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse Séminaire XI. Seuil.
Lacan, J. (2001). « Hommage fait à Marguerite Duras du Ravissement de Lol. V. Stein. ». Autres Écrits. Seuil.
Lacan, J. (2005). Le Sinthome Séminaire XXIII. Seuil.
Miller J. (1988). Sept remarques sur la création. Lettre Mensuelle.
Miller J-A. (1999). Les six paradigmes de la jouissance. La cause freudienne.
Miller J-A. (2010). Le salut par le déchêt. Mental
Marret-Maleval S. Le sinthome. Introduction à la lecture du livre XXIII. URL :https://www.causefreudienne.net/le-sinthome/



NOTAS

[1Interview d’Yves Saint Laurent De fil en aiguille réalisée par David TEBOUL, in Yves Saint-Laurent 5 avenue marceau 75116 Paris, 2002.

[2Yves Saint-Laurent (2014) de Jalil Lespert, avec Pierre Niney, Guillaume Gallienne, Charlotte Le Bon.

[3Saint Laurent (2014) de Bertrand Bonnello avec, Gaspard Ulliel, Jérémie Renier, Louis Garrel, Léa Seydoux.

[4Documentaire Yves Saint-Laurent. Tout terriblement, de Jérôme De Missolz, 2009, Arte.

[5Dans le film de Bertrand Bonello, Yves Saint Laurent se nomme Swann. Saint Laurent (2014) de Bertrand Bonnello avec, Gaspard Ulliel, Jérémie Renier, Louis Garrel, Léa Seydoux. Voir aussi le film Yves Saint-Laurent (2014) de Jalil Lespert, avec Pierre Niney, Guillaume Gallienne, Charlotte Le Bon et reconnu par Pierre Bergé comme respectueux de la vie d’YSL

[6Il en fit la lecture pour la première fois à ses quinze ans, alors très malmené par ses camarades au lycée. Il s’y abandonna, y trouva refuge, abri. Et il put trouver en Swann, et dans la fiction proustienne, une résonnance avec ses désarrois d’alors portant sur son homosexualité naissante. Toute son œuvre est baignée dans cette ambiance proustienne mais aussi flauberienne avec le personnage de Madame Bovary.

[7Baby Y. Le Monde, « Portrait de l’artiste » : 8 décembre 1983.

[8C’est en 1958, alors que le public pense que Mathieu est son prénom, qu’Yves Saint Laurent décide d’enlever les traits d’union de son nom. Il fait ainsi disparaître Mathieu de son nom patronymique et n’en garde que Saint Laurent dans un acte libératoire qui l’extrait de la lignée paternelle. C’est aussi cette année-là qu’il rencontre son compagnon de vie, Pierre Bergé.

[9Lacan J. (1973) L’Éthique de la psychanalyse. Séminaire VII. Paris : Seuill, p.134.

[10De Missoltz J. Yves Saint-Laurent. Tout terriblement. 2009. Arte.

[11De Missoltz J. Yves Saint-Laurent. Tout terriblement. 2009. Arte.

[12De Missoltz J. Yves Saint-Laurent. Tout terriblement. 2009. Arte.

[13Marret-Maleval S. Le sinthome. Introduction à la lecture du livre XXIII. URL :https://www.causefreudienne.net/le-sinthome/.

[14Exposition Mélancolie, génie et folie en Occident. Jusqu’au 16 janvier 2006, Galeries nationales du Grand Palais, Paris. Au catalogue établi sous la direction de Jean Clair, éd. Gallimard / RMN, outre ses propres contributions, les signatures prestigieuses de Jean Starobinski, Marc Fumaroli, Yves Bonnefoy, Philippe Comar, Jackie Pigeaud, Yves Hersant, Laura Bossi...